Résumé : | La démence d’Alzheimer est une maladie qui s’aggrave avec le temps, pour le malade, mais aussi pour ses aidants, le plus souvent sa famille. Le champ de l’expérience et l’imaginaire est le lieu de tensions qui chez la personne normale assurent la liaison entre affectivité et cognition. Ce schisme ne peut être comblé pour les malades,ce qui conduit, en écho, chez leurs aidants à la constitution d’une dissolution de leurs propres limites. Leur capacité à se positionner au plan identitaire et intimité, à pacifier leurs affects est sévèrement altérée conduisant à une dysphorie et une démotivation. Les familles vivent une situation de présents-absents où une personne est physiquement présente, mais dont l’esprit et la mémoire fléchissent. Limites et repères qui permettent habituellement de bâtir l’intersubjectivité disparaissent dans la béance de l’ambigüité. Anticipation et motivation imposent de construire une réalité intérieure qui dans la démence se conjugue avec une incapacité à gérer et à élaborer les mouvements affectifs lorsque la cognition défile. Les relations interpersonnelles, en particulier avec la famille, ne sont plus ce qu’elles étaient et les aidants perdent toute vision du futur et voient disparaitre à leur tour leur capacité l’anticipation. L’ambiguïté des limites vécues par les aidants de malades déments favorise leur dépression. Chez 88 aidants familiaux prenant en charge un patient atteint de démence de type Alzheimer, le score d’ambiguïté des limites mesurées par l’échelle de Boss, progresse avec l’altération cognitive chez le malade du test de Folstein, et avec sa dégradation à l’échelle de dépression de Cornell. Le score de plaintes de l’aidant face aux troubles du comportement des malades croît avec le score à l’échelle d’ambigüité des limites. |