Résumé : | L'auteur décrit la réalité sociale de la souffrance au travail : l'individu hypermoderme est pris en étau entre deux processus : le retour de l'individualisme sur lui-même (l'individu libéré du déterminisme et responsable de son existence) et la pratique d'un nouveau mode de gestion où l'instabilité personnelle est au service de la productivité) Il explique ensuite comment l'approche phénoménologique peut contribuer à une compréhension qualitative de la souffrance au travail, au-delà des explications réductrices limitées à ses manifestations (épuisement professionnel, absentéisme,...). Le contexte d'émergence de la thématique de la souffrance professionnelle appelle la recherche de moyens de compréhension et d'action pour saisir ce que recouvre la notion de « souffrance ». Dans cette optique, la pratique phénoménologique déploie une méthode de reconduction de notre regard vers le phénomène concret éprouvé par le Soi souffrant, au plus près de son expérience vive et intime. Cette méthode, faite de suspension du jugement, de conversion réflexive et de variation eidétique, permet d'obtenir une forme de connaissance d'une qualité différente de celle obtenue par les procédures objectivantes ; on décèle alors quelques traits saillants de la souffrance phénoménale : la passivité, l'entrelacement et l'incertitude, entre autres. Cette approche résolument « à hauteur d'homme » peut intéresser les professionnels des métiers à autrui, notamment dans le cas des métiers du soin, avec la double visée de l'accompagnement des souffrances d'autrui et de la résistance à la souffrance professionnelle croissante. (R.A.). |