Résumé : | La prévalence de la lombalgie est importante. Selon la HAS, 84 % de la population aura une douleur lombaire au cours de sa vie [1]. Les patients de 30 à 70 ans, et plus particulièrement les 40-60 ans, sont ceux principalement touchés par la lombalgie [1]. Les étiologies sont multiples et il y a une augmentation de 14 % de la prévalence observée sur 15 années d’observation [1].
Les traitements sont variés mais l’approche fonctionnelle est souvent au premier plan. La rééducation est fréquemment proposée mais cette pathologie est marquée par une évolution vers la chronicité dans 6 à 8 % des cas [1]. Le pourcentage de chronicisation est faible mais ces sujets chroniques représentent, à eux seuls, plus de 80 % des dépenses de santé liées à la lombalgie. Les recommandations de la HAS précisent que pour une lombalgie chronique ou à risque chronique, la prise en charge se veut pluridisciplinaire avec l’implication de la kinésithérapie [1].
Les techniques rééducatives sont nombreuses et la HAS recommande de les utiliser uniquement dans le cadre d’une combinaison multimodale de traitements incluant un programme d’exercices [1]. En effet, le reconditionnement physique global basé sur le renforcement et les étirements musculaires représentent aujourd’hui les principaux actes de rééducation qui ont prouvé une efficacité sur la douleur et la fonction [2].
Les exercices physiques produisent une analgésie grâce aux mécanismes inhibiteurs centraux (opioïdes naturels produits par l’organisme) qui constituent le système neuro-inhibiteur descendant (SNID) [3].
Depuis plus de 20 ans, nous savons que les exercices physiques augmentent les seuils douloureux [4]. Néanmoins, ces exercices doivent être personnalisés car des contraintes trop importantes et trop éprouvantes pour le patient produisent une aggravation de la douleur. Cette notion d’intensité de contrainte et de fatigue est fondamentale pour comprendre les mécanismes douloureux, surtout chez les sujets lombalgiques chroniques. En effet, chez l’animal comme chez l’homme, la fatigue induite par un effort de longue durée entraîne une réponse nociceptive augmentée [5]. Cette hyperalgie n'est pas en rapport avec une modification métabolique périphérique. Ces résultats suggèrent que des mécanismes centraux, plus que périphériques, impliquent une réponse à une perception majorée de la douleur [5].
L'augmentation de la perception douloureuse dans un contexte de fatigue révèle un dysfonctionnement des systèmes anti-nociceptifs [6][7]. Ce sont bien les systèmes de blocage de la douleur au niveau du cerveau qui sont altérés dans une condition de fatigue centrale [7]. Pour le lombalgique chronique, les origines d’une fatigabilité précoce sont multiples et peuvent être dues en partie au déconditionnement neuromusculaire périphérique et/ou aux désordres métaboliques (alimentation, substances toxiques, médicaments), et/ou aux stress cognitif et émotionnel [8].
Cette relation étroite entre la fatigue et la perception douloureuse permet de mieux comprendre la pertinence de proposer, pour les lombalgiques chroniques, un programme de rééducation active adapté au patient. La personnalisation des exercices de reconditionnement est une réelle difficulté car le facteur limitant de la performance physique est surtout la perception de l’effort et non l’effort lui-même [9]. Cette notion de perception de l’effort intègre les mêmes caractéristiques que la douleur, notamment une dimension non physiologique liée aux croyances du patient, son environnement psychosocial. On peut considérer que c’est surtout la perception de la fatigue et de l’effort qui est principalement liée à la douleur du lombalgique chronique. L’enjeu moderne de la kinésithérapie est de prendre en considération tous ces éléments pour définir un programme de rééducation bio-psychosociale spécifique d’un patient. |