Résumé : | La clinique du deuil est devenue une préoccupation de santé publique (elle envisage les conséquences du deuil sur la santé et la prévention des deuils pathologiques), l’un des objets majeurs de la psychologie (psychologie dans laquelle se côtoient différentes théories et pratiques sur le deuil, instruments de mesure, réactions cognitives, processus de coping naturels, guide du deuil, groupes de parole d’endeuillés, etc.), mais aussi source d’intérêt pour nos contemporains, si l’on pense à la façon dont elle inspire la littérature. Le dernier ouvrage de Jean-Louis Fournier, Veuf [1]
[1]J.-L. Fournier, Veuf, Paris, Stock, 2011.
, en témoigne. Les Américains en ont presque fait un genre littéraire : la « Widow’s story », ou « histoire de veuve ». C’est l’art de regarder le deuil en face, d’explorer, de façon méthodique, « l’expérience brute [2]Joyce Carol Oates, J’ai réussi à rester en vie, Paris, Philippe… » de la mort de l’autre.La notion de deuil, ainsi que celle, freudienne, de « travail de deuil », s’est répandue dans la langue contemporaine (« faire son deuil »), le plus souvent selon une acception abusive, et en tout cas une banalisation manifeste, occultant le fait que le deuil participe des douleurs de l’être. L’étymologie même du terme renvoie à la douleur (dol, dolore, douleur). Quant à Freud, il envisage le deuil en termes de relation d’objet, de rapport à la perte et au manque, à partir de la douleur qu’il provoque. À quoi rapporter la douleur du deuil ? Y a-t-il une distinction de la douleur entre deuil normal et deuil pathologique ? La théorisation par Lacan de l’objet a permet de saisir la diversité de la clinique du deuil au sens où les modalités de présentations de l’objet perdu ainsi que les relations subjectives à l’objet sont multiples – ce qui nuance la distinction entre deuil normal et pathologique établie selon des critères phénoménologique ou temporel par la psychiatrie américaine (cf. dsm v).Le deuil appelle un traitement par la parole s’imposant aujourd’hui de toute évidence, et ce en dépit des témoignages qui montrent le contraire [3]G. Raimbault, Parlons du deuil, Paris, Payot, 2004, p. 76.L’expérience analytique fait valoir que certains sujets confrontés à la perte d’un être cher ne veulent pas se laisser aller à la tristesse, à la douleur morale du deuil. Telle la jeune fille dont il va être question dans cet écrit, qui, lorsqu’elle est reçue par l’un des auteurs, a perdu peu de temps auparavant ses deux parents dans un accident de la route. Quant à Victor, qui vient de perdre son petit frère, la question du deuil qui conduit à la consultation se conjoint avec la douleur de l’Autre maternel et va croiser ses questions de petit garçon. Si, en effet, ainsi que le développe Lacan, la perte d’un être cher produit un « trou dans le réel » autour duquel s’enclenche le processus du deuil, qui en appelle au symbolique, comment envisager l’acte de l’analyste ? Nous proposons que ce soit en prenant acte du tragique de l’événement auquel le sujet a été confronté, mais sans se laisser fasciner par lui et réduire le sujet à la perte qu’il vient de vivre, que se situe l’enjeu de l’acte analytique, d’autant « qu’il n’est pas d’autre cadre en analyse que le symptôme  |