Résumé : | Je souhaiterais faire valoir comment Lacan a corrélé au discours de la modernité un affect singulier, nommé par lui « honte de vivre ». Mais avant que de venir à cet affect, et pour y venir, encore faut-il isoler ce que commande le discours contemporain, c’est-à -dire quelle est l’intention de ce discours . L’insu que sait… C’est pourquoi je débuterai par l’extrait d’une conférence donnée en 1973 à Milan, où Lacan précise ce que le discours capitaliste veut commander ou plutôt exploiter : « L’exploitation du désir, c’est la grande invention du discours capitaliste [...] Qu’on soit arrivé à industrialiser le désir, enfin... on ne pouvait rien faire de mieux pour que les gens se tiennent un peu tranquilles, hein ? Et d’ailleurs on a obtenu le résultat Ainsi, le discours capitaliste assoit son pouvoir en gouvernant, en exploitant le désir, ce qui aura alors pour effet de contraindre les corps, de les rendre dociles, de les faire se tenir... tranquilles. Et le tout, en silence. Il ajoute en effet : ce pouvoir est « beaucoup plus fort qu’on ne le croit ». Il est donc un pouvoir silencieux, qui parvient, sans en avoir l’air, à asseoir chacun. En d’autres termes, politiques cette fois, permettre à chacun de consommer est aussi une façon d’acheter la paix sociale. Mais pourquoi ? Pour l’éclaircir, disons d’abord la fausse promesse de ce discours. Le discours de la science alliée au capitalisme promet aux désirs l’objet qui leur manque. À une réserve près : cet objet n’est pas l’objet a, propre à chacun, mais un objet plus de jouir en toc, préfabriqué par ce discours. Ainsi, le discours capitaliste feint d’offrir au désir l’objet qui lui manque, là où, en fait, il lui en impose un autre. Mais reste que l’offre de ce discours s’épuiserait assez vite si le sujet n’y trouvait quelque bénéfice. Certains critiques du capitalisme, dans le champ psychanalytique, s’accordent alors pour y voir les bénéfices de cette jouissance sans limite que procureraient les gadgets de la science. La position de Lacan est sur ce sujet tout autre, si ce n’est contraire. Certes, une jouissance du sujet se satisfait dans sa participation à ce discours, mais qui s’oppose à celle promise. Lacan qualifie en effet les gadgets de la science d’objets plus de jouir en toc, pour la raison qu’ils « trompent le plus-de-jouir  D’un Autre à …
», n’offrant au sujet qu’une jouissance du manque, de type surmoïque, jouissance de la perte de jouissance. Les objets de consommation trompent le sujet moderne qui s’y laisse prendre en prétendant pallier sa perte de jouissance, alors qu’ils ne feront qu’entretenir le goût pour cette perte même, et sa répétition. |