contenu dans / Marie ChoquetTitre : | Socialisations familiales et consommations en milieu étudiant | Type de document : | Chapitre d'ouvrage | Auteurs : | Ludovic Gaussot, Auteur ; Nicolas Palierne, Auteur ; Loïc Le Minor, Auteur | Pages : | p. 169-189 | Langues : | Français (fre) | Résumé : | Les configurations familiales se sont profondément transformées en France au cours de la seconde moitié du xxe siècle, conjointement aux mutations des rapports sociaux de sexe, à l’allongement des études et au report de l’entrée dans la « vie adulte ». Ces transformations engendrent une tension entre la montée de l’individualisation et le maintien de la famille comme institution aux normes plurielles (Giddens, 1992 ; Déchaux, 2007 ; 2010). Les nouvelles manières d’être parents n’ont pas fait table rase du passé, puisque notamment l’éducation des enfants reste encore souvent une « fonction » attribuée aux mères (Ricroch, Roumier, 2011 ; Cromer, 2008). Bien qu’au sein de l’éducation familiale les pratiques autoritaires soient en recul au profit de la visée de « l’épanouissement de l’enfant » (Attias-Donfut et coll., 2002), les relations parents/enfants se maintiennent dans un rapport structurel asymétrique. L’individualisme moral aurait donc atténué les différences statutaires traditionnelles au sein de la configuration et de l’éducation familiales, et spécifiquement au niveau de l’élaboration des styles éducatifs parentaux ; mais ces différences n’auraient pas été complètement dissoutes, tant du côté de l’implication inégale des pères et des mères que dans le style d’éducation reçu par les filles et les garçons, le tout variable selon les milieux sociaux. Parmi les premiers travaux, ceux de Kohn (1963) établissaient un parallèle aux États-Unis entre les valeurs éducatives dominantes et les conditions d’exercice de la profession au sein de chaque classe sociale. Il opposait alors le style éducatif libéral des classes moyennes et supérieures au style éducatif autoritaire des classes populaires. Cette distinction a fortement imprégné les travaux sociologiques jusque dans les années 1980, tout en étant complétée et nuancée : pour Combessie (1969), l’opposition est modulée par le poids des revenus, la position et la trajectoire sociale des parents ; pour Lautrey (1980), c’est davantage les conditions de vie familiale qui déterminent les valeurs éducatives ; pour Kellerhals et Montandon (1991), non seulement il n’existe pas un seul style éducatif par milieu social, mais l’appartenance sociale à elle seule ne suffit pas non plus pour expliquer les variations du style éducatif parental. D’autres rappelleront par ailleurs le poids du lieu de vie, du nombre d’enfants. Au cours des années 1980-1990, les analyses sur le style éducatif parental, qui mettaient l’accent sur l’effet des origines sociales, se modifient. En particulier, la discussion sur l’existence de styles éducatifs de classes paraît alors s’engager dans une impasse (Segalen, 2006). L’interrogation se déplace alors sur la construction de l’autonomie et la reconnaissance des droits de l’enfant, et sur la démocratisation de l’espace familial. Pour autant, certains chercheurs continuent de souligner des variations dans l’éducation familiale selon les milieux sociaux (Lareau, 2011 ; Le Pape, 2009).Dans le domaine des « consommations à risques » et des addictions, les professionnels de la prévention et du soin de leur côté soulignent systématiquement l’importance des parents et de l’éducation reçue ; tandis que les travaux sociologiques tendent à les évincer de leurs recherches pour s’attarder sur les pratiques de consommation considérées comme intragénérationnelles. Les différents rapports que les jeunes entretiennent avec l’alcool et les substances psychotropes ne s’élaborent pourtant pas dans un face-à -face qui éclipserait les rapports avec la famille. Les rapports des jeunes au monde, aux autres et à la vie restent liés à l’action éducative des parents, mais aussi tout simplement affective. Si certaines pratiques de consommations (Le Garrec, 2002) se développent dans les interstices de la surveillance ou de la connaissance parentales, ou en opposition avec elles, cela ne suffit pas, bien au contraire, pour éliminer la famille, le rapport parents-jeunes de l’analyse.Nos analyses sont issues d’une enquête sur l’effet des styles éducatifs parentaux sur les consommations d’alcool et de cannabis chez les étudiants de la région de Poitiers [1]Subvention mildt (devenue mildeca), inca, ireb, fra (Mission…, menée au cours de l’année universitaire 2011-2012. L’échantillon est représentatif de l’ensemble de la population étudiante de la région de Poitiers, composée d’environ 25 000 étudiants, ville moyenne qui ne se singularise pas par rapport à la population étudiante en France. Nous avons recueilli 2 364 questionnaires portant sur la variation des perceptions des styles éducatifs parentaux au sein de cette population, au regard du sexe des parents, de celui des enfants et de l’appartenance sociale (le niveau de diplôme et la profession, la catégorie socioprofessionnelle). Soixante-trois entretiens semi-directifs ont également été réalisés avec des étudiants, afin de reconstruire les évolutions du style éducatif parental reçu et les carrières de consommation de produits psychotropes. Nous analyserons ici les résultats fournis par la passation de l’Authoritative Parenting Index (api). Les étudiants devaient répondre à ce test à partir de l’éducation parentale reçue pendant les « années lycée », de manière à en évaluer un effet diachronique. Si cet api ne saurait refléter l’ensemble des processus à l’œuvre dans les styles éducatifs parentaux, il a toutefois le mérite de contourner trois limites fréquentes dans les travaux portant sur l’éducation familiale : d’une part, il ne se réduit pas aux modèles éducatifs valorisés puisqu’il offre un accès partiel aux pratiques, telles du moins qu’elles sont reçues, perçues et déclarées par les jeunes ; d’autre part, il permet de situer les variations entre milieux sociaux et entre les sexes dans des domaines particuliers et différenciés de l’éducation parentale. Il permet d’identifier l’objet de l’investissement parental en dehors de toute généralité souvent discutable sur la distribution sociale de certains comportements, et évite ainsi une description paradoxale des classes populaires, présentées de manière stigmatisante, aussi bien pour leur autoritarisme que pour leur laxisme (Thin, 1998). Enfin l’api permet d’interroger à la fois l’attitude des pères et des mères, même si la littérature utilisant ce test se contente trop souvent d’interroger le style maternel tout en déplorant l’insuffisante documentation des styles paternels (Jackson et coll., 1998 ; Jackson, 2002). Les consommations d’alcool sont évaluées par le test audit, celles de cannabis par le test cast ; les enquêtés devaient également déclarer s’ils avaient expérimenté d’autres drogues. | Permalink : | https://bibliotheque.helb-prigogine.be/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id= |
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