Résumé : | Je suis sage-femme depuis bien longtemps. J’ai été diplômée en 1965, il y a donc plus d’un demi-siècle que je fais ce magnifique métier. La mort fait partie de la vie. Pour qu’il y ait une vie, il faut une naissance, et il y aura automatiquement une mort. Donc, pourquoi en avoir peur ? Il est sûr que la vie et le vieillissement nous poussent vers une certaine forme de sagesse.
2À travers mon expérience, j’ai pu approcher la mort plusieurs fois. J’ai eu la chance d’ouvrir la maternité de l’hôpital Antoine-Béclère, à Clamart en 1973, et en 1974 une femme est morte. La mort des femmes en couches est un drame autant que celle des bébés, mais cela nous atteint d’une manière un peu différente. Il y a eu bien sûr dépôt de plainte, enquête et, en tant que surveillante, je me suis retrouvée devant le juge d’instruction. Il m’a interrogée, et je n’en ai plus entendu parler. Un non-lieu a été rendu. Mais le père, que j’avais rencontré par ailleurs en tant que surveillante – parce qu’il fallait s’occuper du bébé et on l’entourait –, a fait appel de cette décision et me voilà de nouveau devant le même juge d’instruction. Il me pose à nouveau les mêmes questions, je lui réponds. Au bout d’un moment, je lui dis : « Bon, écoutez monsieur, je ne comprends pas pourquoi cet homme recommence. Ne me dites pas qu’il veut des sous. Ce n’est pas possible. Je l’ai quand même vu longtemps. » Le juge d’instruction m’explique alors : « Non, il ne veut pas d’argent. Il veut seulement qu’on lui explique ce qui s’est passé. » Je lui fais remarquer qu’il a pourtant rencontré le patron. Il me rétorque : « Oui, il a rencontré le patron. Lequel patron, à son interrogation “que s’est-il passé ? Et qu’avez-vous trouvé à l’autopsie de ma femme ?” lui a répondu : “Nous avons trouvé ce à quoi nous nous attendions. Point.” |