Résumé : | De nombreuses situations cliniques font apparaître une certaine difficulté pour les professionnels à investir une réflexion concernant le bien-fondé d’une action ou d’un projet thérapeutique : dans le cas singulier de cette personne malade, qu’est-il bien de faire, comment, et pourquoi… Le concept philosophique et politique de « banalité du mal », proposé par Hannah Arendt en 1963 dans son ouvrage « Eichmann à Jérusalem », nous semble intéressant à considérer lorsque l’on est un professionnel de santé conscient de la dimension éthique de notre exercice. Il ne s’agit pas de laisser penser qu’il y aurait dans le quotidien du soignant un « mal » comparable au « mal génocidaire » qu’étudiait Hannah Arendt. Il ne s’agit pas non plus de tenir pour vérité absolue les réflexions de Hannah Arendt, en faisant fi des multiples controverses, dont on ne jugera pas de la pertinence. Il s’agit de se laisser interpeller par certains aspects du concept : le concept de « banalité du mal » vient déstabiliser les professionnels que nous sommes, et favorise la conscience de la responsabilité et l’exigence de questionnement. On peut faire mal sans le vouloir, avec le sentiment confiant d’être conforme à sa mission, à son devoir, à une pratique ordinaire. Il y a, dans ce concept, un appel à penser, soi, l’autre et l’action. L’objet de cet article est de permettre à tout professionnel de santé d’approcher la tension éthique inhérente à certaines situations cliniques banales ; ainsi que d’identifier des repères éthiques et philosophiques pour y réfléchir. |