Résumé : | Le concept de médecine personnalisée est ancien. Dévoyé de son sens initial pour pallier le déclin relatif de l’industrie pharmaceutique, il est réapparu il y a environ 20 ans et a envahi depuis le champ de nos pratiques. Qu’est-ce qu’on entend aujourd’hui par « médecine personnalisée » ? S’il s’agit pour le médecin d’adapter son diagnostic et sa prise en charge à l’originalité de chaque patient, n’est-ce pas ce qu’il a toujours fait ? S’il s’agit de traiter le patient selon ses anomalies génétiques ou épigénétiques, est-ce à dire qu’une personne se réduit à ses molécules ? L’étude de la littérature nous révèle que la définition de la médecine personnalisée n’est pas univoque et que son récent essor a réanimé l’ancien débat opposant deux concepts de la personne : la personne comme un tout indivisible, le personnel subjectif, et la personne comme un individu biologique fragmentable à l’infini, le personnel moléculaire. Ainsi, le paradoxe de la médecine personnalisée serait de reposer sur de l’impersonnel, par opposition à la médecine centrée sur la personne qui prendrait en compte les dimensions sociale, spirituelle et environnementale du patient, dans une approche holistique. Mais le paradoxe réside davantage dans ce que les récents développements de la médecine génomique et postgénomique ont fait émerger : des nouveaux sens du mot « personne », de nouvelles subjectivations et nouvelles socialités faisant entrer le médical dans absolument tous les domaines de la vie. |