Résumé : | « Dans le monde de la création chorégraphique, devenir l’auteur de sa danse c’est comme devenir l’auteur de sa propre vie… » « En changeant de point de vue, on découvre le monde autrement. Ainsi, en détournant nos pensées, par le plaisir et l’imaginaire, d’une grande “attension” à lutter contre nos handicaps, nos obstacles, nous redonnons du jeu au mouvement, une place pour la vie. » « partager grâce à l’autre, ce qui est la force du mouvement dansé, un flux qui nous emporte, que nous guidons, qui est le dedans et le dehors, qui nous échappe et nous appartient si intensément. »C’est après 25 années d’une pratique de la danse en direction de publics amateurs et en particulier avec le milieu scolaire, que j’ai été sollicité pour intervenir en milieu hospitalier. Cette approche spécifique de la danse, pratiquée dans le monde scolaire, qui va de la maternelle à l’université, a nourri mon expérience et forgé une démarche artistique et pédagogique. En effet les personnes qui participent n’ont pas été sélectionnées, ont des niveaux très hétérogènes et parfois une peur ou un rejet de la danse. Il faut donc ici développer une pédagogie particulière dans laquelle chacun pourra trouver sa place, s’épanouir et s’exprimer. En cela, les personnes que j’ai rencontrées à l’hôpital sont très proches de ce public.Et c’est bien en tant que chorégraphe que je témoigne ici d’un partage de la danse auprès de patients et de soignants. Un partage de la danse, qui n’est pas une proposition d’exercices techniques mais plutôt une traversée de sensations, d’émotions et d’intentions de mouvements. Aborder la danse comme un territoire à explorer et accessible à tous, avec ce que nous sommes à l’instant présent.Je suis intervenu pendant six ans au Centre de rééducation de Coubert (Seine et Marne), une première année auprès de grands traumatisés puis ensuite auprès de personnes cérébro-lésées. Ces interventions avaient lieu tout au long de l’année dans le cadre d’un dispositif « Culture à l’hôpital » (soutenu par la Direction Régionale des affaires culturelles) et aboutissaient à des présentations sur le plateau de la Scène Nationale de Sénart. C’était une proposition que j’ai faite dès la deuxième année en cohérence pour moi avec une démarche artistique. En effet le processus artistique n’est véritablement complet que lorsqu’il y a une forme de présentation du travail à un public.
Dans ce dispositif, je ne me suis jamais présenté, ni pensé comme thérapeute, mais comme créateur. Et dans cet acte de création proposé à chacun, j’ai pu observer une transformation (parfois rapide), un mieux-être et dans la durée une « re-création » d’autonomie, de confiance et d’estime de soi chez les participants. Est-ce un chemin de thérapie ? La danse aurait-elle des vertus thérapeutiques ?
Ce qui est certain c’est que ma place d’artiste auprès d’eux a toujours été très claire. Je leur ai proposé une démarche dans laquelle liberté et contraintes se mêlent dans un jeu créatif partagé, avec pour eux un potentiel corporel à découvrir, une relation à l’autre, à l’espace, une conscience du temps, des élans, des rythmes.
Nous appelions ces ateliers chorégraphiques : « ateliers de mouvement dansé » et j’ai toujours imaginé ces participants comme des danseurs potentiels. Mon exigence d’artiste m’a amené à leur donner cette posture, à leur proposer cette ouverture comme une richesse à développer, plutôt que de les situer comme non danseurs, malades ou handicapés. Nous n’avons jamais abordé le travail du côté du handicap ou des empêchements (même sil y en avait beaucoup…). Il n’y avait pas d’objectif annoncé de les dépasser, mais plutôt celui de créer des espaces de plaisir, d’essayer encore et encore de nouvelles choses avec le mouvement dansé…
Dans ce monde particulier de la création chorégraphique, je les ai guidés sur un chemin d’autonomie pour m’effacer le plus possible. |