Résumé : | Nous suivons Isabelle, 14 ans, dans notre hôpital de jour en raison d’une phobie scolaire rendant tout investissement des cours impossible après une agression physique très violente subie dans son collège.
Nous n’avons pu rencontrer son père : les parents se sont séparés peu de temps après sa naissance, celui-ci vit dans une autre région et ne voit sa fille que très irrégulièrement, parfois lorsque la mère, selon ses mots, « en a marre de tout assumer ». C’est un homme qui paraît plutôt désinséré socialement, qui ferait commerce de haschich – l’agression de sa fille est d’ailleurs liée à l’achat de cannabis à un autre collégien qu’elle n’aurait pu payer. Isabelle est déçue de son père dont elle dit qu’il n’en a jamais été un.
La mère d’Isabelle est par contre très présente : elle sollicite toujours plus d’entretiens avec l’équipe, accompagne tous les jours sa fille à l’unité (nous amenant aussi à nous poser la question : qui doit accompagner qui ?), n’hésite pas à y rentrer un peu le matin pour saluer les soignants, utilise tous les « outils » proposés aux parents (entretiens, rencontres avec une psychologue, groupe parents). Elle fait des ménages et semble se trouver elle aussi dans une situation sociale assez précaire. Le premier entretien décidant les soins institutionnels d’Isabelle aura relevé la grande vigilance de l’adolescente pour sa mère et la difficulté probable à s’extirper du domicile pour venir dans l’unité de jour s’occuper de soi. La mère est plutôt « contenue » lors de cette discussion initiale, elle nous surprendra en évoquant sa biographie traumatique dans le couloir, avec l’infirmière référente de sa fille, lorsque celle-ci fera visiter aux deux notre institution. Cette histoire est donc délivrée devant Isabelle (qui la connaît bien) et la soignante sans les filtres précédemment tenus dans le bureau médical, un clivage semble abruptement se résoudre ainsi dans un moment plus informel de la rencontre, dans le lien considéré d’égal à égal avec une autre femme, peut-être dans l’envie aussi de justifier pour elle un même besoin de soin. Madame a été abusée sexuellement par son père, personne dans sa famille ne la protégeait, son frère aîné la battait et sa mère « ne voyait rien » ou bien, au sujet du frère, laissait faire en donnant toujours raison au garçon. Ce frère est décédé d’une overdose peu avant sa majorité, « bien fait » dit la mère d’Isabelle qui confie aussi son angoisse que sa fille ne suive le même chemin d’une consommation toxique et puisse mourir durant son adolescence. À cette époque, Mme avait intégré un internat pour préparer une formation professionnelle, ce qui l’avait éloignée salutairement de sa famille avec laquelle elle n’aura jamais repris de lien par la suite. |