Résumé : | Quand la souffrance d’un malade est générée ou accentuée par l’intervention médicale, ce phénomène est nommé : iatrogénie. En pleine révolution biotechnologique, la médecine, qui affiche plus que jamais son ambition d’agir efficacement sur le corps des malades, est interrogée par ces actions, involontairement nocives pour eux. Il y a moins de dix ans, le ministère de la Santé a donc fait réaliser une étude, inscrite dans un programme de lutte contre la iatrogénie [1]P. Michel, J.-L. Quenon, A.-M. de Sarasqueta, « L’estimation du…
. En réalité, l’actuelle signification du mot « iatrogénie » existe depuis à peine plus de cinquante ans. L’étude étymologique du mot révèle en effet que jusqu’aux années 1950, il n’est utilisé que dans son sens littéral : engendré par le médecin [2]A. Rey, Dictionnaire historique de la langue française, Paris,…
. Autrement dit, la notion même d’acte ou de risque « iatrogène » n’existe en médecine que par la seule vertu d’un authentique détournement de sens. Curieusement, ni les ouvrages médicaux récents comme le Dictionnaire de la pensée médicale, sous la direction de Dominique Lecourt, ni ceux des psychologues intervenant en médecine comme Le psychologue en service de médecine dirigé par Caroline Doucet ne mentionnent ce détournement, ni même le terme « iatrogène [3]Le Dictionnaire de la pensée médicale, à l’entrée…
». La question se pose donc de savoir comment et dans quelles circonstances la médecine a détourné le sens d’un mot de son propre vocabulaire, au profit d’un autre. |