Résumé : | En toute intimité, certains de nos patients ont touché le fond par la nature même de violences antérieures subies de mains qui instrumentalisent pour mieux posséder. Le sujet ne peut qu’être nié, dans un rapport de force qui éteint toute rencontre. C’est même le meurtre du sujet psychique qui s’y loge avec le risque, qu’à l’occasion du soin, quand des mains expertes se poseront sur ce corps autrefois violenté, que la mémoire traumatique soit mise au goût du jour. Plus qu’une empathie, c’est la reconnaissance de cet autre dévoilé dans sa vulnérabilité, comme un semblable en humanité, qui éloigne le professionnel du risque de commettre un autruicide. À notre insu, et pour ne pas être médusé, à notre tour, la tentation peut être d’éviter que l’effroyable se produise au gré d’un touché thérapeutique. Entre toucher affectif, érotique, gnostique, pathique et traumatique, il n’y a parfois qu’un pas à franchir. Ce n’est pas celui qui touche qui le franchit, mais davantage celui qui est touché, qui y retourne. Ainsi, ce qui se révèle dans l’intimité clinique, et ce de manière plus ou moins voilée, se laisse à entendre à l’instar d’un texte en premier jet, de sensations figurant l’irreprésentable des violences sexuelles passées, en appelant à notre code éthique pour éviter une posture en ré-acte prenant l’allure du sur-traumatisme.
POINTS Ã RETENIR
•Le toucher est susceptible de se décliner en nature intime (toucher affectif et érotique), professionnelle (toucher gnostique et pathique) et traumatique (toucher effractant).
•Toucher pour soigner peut fantasmatiquement devenir toucher pour posséder quand le passé est mis au goût du jour traumatique.
•Les sensations qui naissent de la main experte agissent telle une machine à remonter le temps, simulacre de pré-texte à une mémoire traumatique.
•Ne pas reconnaître les violences passées quand elles prennent la voix/e des reviviscences risque de causer un sur-traumatisme.
•Un code éthique professionnel s’impose quand l’exploration du corps s’exporte en clinique. |