contenu dans : stress, burn-out, violences ; du constat à la préventionTitre : | Chapitre 4. Comment évaluer et mesurer la souffrance des personnels soignants ? | Type de document : | Chapitre d'ouvrage | Auteurs : | Eric Lartigau, Auteur | Pages : | p. 89-115 | Langues : | Français (fre) | Descripteurs (mots clés) : | [Thésaurus HELB]:Paramédical:risques psychosociaux au travail [Thésaurus HELB]:Relations publiques:Souffrance au travail
| Résumé : | La souffrance au travail est un sujet récurrent dans notre société moderne. Elle touche l’ensemble des secteurs professionnels mais semble être plus prononcée dans certains d’entre eux. Ce phénomène concerne aussi le secteur de la santé, et en particulier les établissements de santé. Des cas de suicide de personnels médicaux et paramédicaux ont fait l’objet d’une grande médiatisation au cours des deux dernières années et ont jeté une lumière crue sur cette souffrance, trop longtemps occultée. Bien que les personnels soignants soient exposés à des risques très divers – et notamment des risques bactériologiques, chimiques ou radiologiques – cette souffrance est généralement d’ordre psycho-social. Les risques seront donc le plus souvent qualifiés de « risques psycho-sociaux », désignés dans le monde du travail sous le sigle RPS. Ces risques semblent être en passe de devenir un problème grave, voire un fléau, dans beaucoup d’organisations, et bien sûr les établissements de santé, et la société en général.
Dans les organisations de santé, qu’il s’agisse des établissements sanitaires ou sociaux et médico-sociaux, les RPS constituent un sujet de plus en plus préoccupant. Pas seulement par leur importance quantitative mais aussi sur un plan symbolique. En effet, il est paradoxal de constater une récurrence et une augmentation des RPS dans un milieu tout entier dédié au soin et à la prise en charge de nos concitoyens. Plusieurs facteurs – décrits et analysés dans d’autres chapitres de l’ouvrage – contribuent à cette situation : stress et tensions dus à un travail par nature exigeant puisque tourné vers ses semblables – en particulier dans un contexte de souffrance et de peur de la maladie –, ces tensions étant exacerbées par la réduction des moyens et partant, des effectifs, sentiment de non-reconnaissance professionnelle par la hiérarchie (ou par le système dans son ensemble), intensification de la charge de travail, responsabilité individuelle de plus en plus lourde pesant sur les personnels.
Ce contexte pathogène est renforcé par la tarification à l’activité, laquelle pousse les établissements de santé à une augmentation de la productivité qui met sous tension une communauté humaine peu préparée à cette injonction [1]
[1]À cet égard, les événements qui ont eu lieu au CHU de Grenoble…
. À tous ces facteurs il convient d’ajouter la promiscuité parfois écrasante et la stratification professionnelle très marquée qui règnent dans le milieu de la santé et qui ne font qu’accentuer sa « dangerosité ».
Face à ce défi croissant, quelle peut être sa réponse du « système » ? Et existe-t-il une réponse ?
Le problème essentiel pour les personnes en mesure de décider et d’agir est la capacité à identifier le problème, à l’objectiver pour arriver à la maîtriser. Les dirigeants des établissements de santé – comme tous les dirigeants dans toutes les organisations – sont confrontés à un double problème : d’une part la difficulté à agir en raison de leur éloignement de la « base » et l’absence ou les limites des outils de mesure et de pilotage ; d’autre part la difficulté inhérente à la mesure des phénomènes relatifs aux ressources humaines.
Les organisations ne peuvent pas agir sans d’abord donner une existence objective aux problèmes auxquels elles sont confrontées. Les établissements de santé échappent d’autant moins à cette règle que les personnels sont sans doute soumis plus que d’autres à une forte tension émotionnelle. Il est donc crucial de dépasser le stade émotionnel, de sortir de l’impasse dans laquelle les interlocuteurs peuvent s’enfermer en se dotant des instruments nécessaires pour objectiver les phénomènes de souffrance au travail. Mais, comme nous allons le voir, cette démarche est loin d’être aisée. Dans le cas de suicides par exemple, leur nombre est connu et frappe l’imagination du public mais combien de personnes sont prêtes à passer à l’acte ? Et combien de personnes souffrent sans que leur souffrance ou leur mal-être soient perçus et accompagnés ?
Nous aborderons dans un premier temps la problématique de l’objectivation des données sociales. Si la gestion repose par principe sur une construction de la réalité, c’est encore plus vrai dans le domaine de l’humain et du social et cela pose le problème de la représentation des phénomènes sociaux.
Dans un deuxième temps, nous verrons que l’objectivation des faits sociaux, et en particulier la souffrance du personnel, peut s’appuyer sur certains indicateurs malgré leurs limites intrinsèques. Il conviendra de recourir à des méthodologies de recueil d’information plus élaborées pour mieux comprendre les phénomènes sociaux et ainsi agir.
Enfin dans un troisième temps nous essaierons d’ancrer ces réflexions préalables dans la réalité des établissements de santé. | Permalink : | https://bibliotheque.helb-prigogine.be/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id= |
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