Résumé : | Comment analyser cette situation paradoxale qui propose de nos jours la mort comme élément essentiel de la qualité de vie ? L’étude de l’anamorphose et des éléments symboliques inclus dans le tableau des ambassadeurs d’Holbein sert de toile de fond à cette réflexion. L’impression générale de compétence, d’assurance, de puissance et autorité politique du tableau dépeint bien le cadre du « bio-pouvoir » où se situent les enjeux de l’euthanasie quand, au-delà de l’acte même, le pouvoir médical devient enjeu sociétal. L’anamorphose du crâne semble une masse indistincte, obéit à une autre perspective, et ne se dévoile que sous un certain angle. Elle renvoie à la revendication sociétale d’un droit à mourir et d’une mort réclamée comme un passage sans épaisseur et sans destination, un changement d’état ponctuel. Les autres symboles sont nombreux. Le polyèdre aux cadrans illustre les trois grandes demandes d’euthanasies : le suicide assisté dans le droit fil d’Épicure et des stoïciens, la réponse à des souffrances insoutenables et enfin la demande par les tiers. La tête de mort sur le béret renvoie à la responsabilité d’une médecine qui profite au patient mais dans laquelle il ne se reconnaît plus, à la mort niée. Les deux globes évoquent l’« homme, milieu entre rien et tout », suspendu entre acharnement thérapeutique et abandon. Le luth à la corde brisée et son double relégué dans l’ombre peuvent être vus comme autant d’allusions au handicap, à l’eugénisme et au rejet. Enfin, l’opposition entre les deux livres soulève les questions de l’objection de conscience, des directives anticipées et de la prise en charge simultanée, euthanasique ou palliative, dans les mêmes lieux de soins. |