Résumé : | UNE IDENTITÉ TRANSFORMÉE
Un mot, un seul et votre identité bascule. « Mais vous êtes cardiaque ! » a dit le praticien à son écran, sa main gauche continuant à activer la sonde de l’échographe à la recherche d’autres informations. « Vous savez, il faudra arrêter de fumer... » dit-il encore à son écran. « J’ai arrêté depuis plus de 50 ans... » L’enquêteur, cherche alors mon âge : « Mais vous n’avez que 65 ans ! » « J’étais fumeur passif ! Mon père fumait constamment, mon départ en pension m’a libéré de la fumée ! » « Ça fait longtemps que vous avez vu un cardiologue ? » « Il y a un certain temps, mais je ne suis pas retourné le voir, il parlait plus à son ordinateur qu’à moi-même. » Alors, il a posé sa sonde et s’est tourné vers moi. Nos regards se sont rencontrés et une esquisse d’alliance thérapeutique s’est installée. Elle portera ses fruits au fil des années.
Cardiaque, une dénomination qui effraie : « Ce n’est pas le fait de nommer qui est péjoratif et qui ostracise le malade, c’est le nom. » écrit Susan Sontag(1). Professionnel de santé, formateur, j’ai longtemps enseigné et sensibilisé étudiants et professionnels à l’annonce du handicap et de la maladie. En la circonstance, j’ai été pour le moins surpris ! Récemment retraité, j’étais soudainement étiqueté insuffisant cardiaque, labellisé ALD (affection longue durée). En fait j’avais beaucoup de chance, un examen systématique identifiait une pathologie avant même que n’apparaissent de multiples et désagréables symptômes. S’enchaînaient une flopée d’examens et d’investigations complémentaires, parcours classique d’un patient insuffisant cardiaque : connaissance de la pathologie, hospitalisation courte de phase 1 (phase hospitalière) médication et ajustement du traitement. S’ensuit la réadaptation cardio-vasculaire en SSR (Soins de suite et de réadaptation), phase 2 (post-hospitalière), période d’observation impliquée et participante : expérience de vie en SSR en tant que patient, échange avec les autres patients et les soignants. Le tout traversé par des séances d’éducation thérapeutique du patient dont je connaissais parfaitement le principe, pour l’avoir enseigné mais, du principe à la réalité, le passage était rude. |