contenu dans Titre : | Postface. Pour une anthropologie de la petite enfance appliquée à la santé. La médicalisation de la petite enfance | Type de document : | Chapitre d'ouvrage | Auteurs : | Doris Bonnet, Auteur ; Laurence Pourchez, Auteur | Pages : | p. 337-342 | Langues : | Français (fre) | Descripteurs (mots clés) : | [Thésaurus HELB]:Paramédical:petite enfance [Thésaurus Mesh]Anthropologie [Thésaurus Mesh]Ethnologie
| Résumé : | En Europe, la pédiatrie s’est structurée à la fin du xviiie siècle à partir de la critique et du rejet des pratiques populaires des campagnes par le corps des médecins hygiénistes et par l’État. La médicalisation de la petite enfance a imposé des règles d’hygiène et de prévention qui ont été accueillies de différentes manières. Les classes sociales supérieures et moyennes, assez proches du monde médical, ont tenté d’atteindre ces nouvelles normes en vigueur, tandis que les classes populaires restaient attachées à leurs croyances et à leurs habitudes anciennes (Morel, 1993 ; Boltanski, 1976).Dans les pays du sud, la médicalisation de la petite enfance, à partir du xxe siècle, s’est d’abord appuyée sur le modèle pastorien mis en place par la médecine coloniale (vaccinations infantiles de masse, lutte contre les grandes maladies infectieuses et contagieuses, éradication des grandes endémies tropicales). Puis, elle a tenté progressivement de se structurer sur un modèle contractuel de prévention où la relation entre le médecin et les parents de l’enfant devait être, théoriquement, de nature essentiellement pédagogique. Il s’agissait de « responsabiliser » et de « conscientiser » les populations à leurs problèmes de santé. Ce modèle contractuel, toujours en vigueur, suppose que les familles doivent « accéder et adhérer largement aux propositions de prévention et d’amélioration de la santé émanant de la biomédecine (Dozon, 2001, p. 41). Les critères médicaux d’un enfant en bonne santé se sont donc forgés à partir de modèles occidentaux qui considéraient les sociétés rurales du sud comme réfractaires au changement social et marquées par une absence d’hygiène. Mais le discours hygiéniste cherche à changer les attitudes des parents sans prendre véritablement en compte l’environnement matériel de la famille (accès à l’eau, à -l’éducation, type d’habitat, etc.). Son but est d’éduquer ou de re-éduquer. Dans les faits, la relation entre le médecin et la mère de l’enfant s’est articulée d’une manière dichotomique selon le modèle de « celui qui sait » (le médecin ou l’infirmier) et de « celle qui ne sait pas » (la mère ignorante). La culture des professionnels s’est, de fait, opposée à la culture profane des familles. Encore aujourd’hui, même si le personnel de santé est socialisé dans l’enfance en zone rurale, la culture professionnelle supplante la culture familiale de l’homme de médecine et provoque un clivage dans son regard sur l’Autre. D’un côté, il sait, de l’autre, il ne sait plus. Il se réfère au monde de la science et de la technique et clive sa connaissance des savoirs profanes des familles. On s’éloigne, de fait, d’une relation contractuelle ou même de négociation pour aboutir à une relation de subordination où les populations doivent se soumettre aux normes médicales scientifiques pour accéder aux soins. De plus, les populations rurales et même urbaines, sont confrontées, comme partout ailleurs, à un pluralisme d’idées sur la santé et la maladie de l’enfant. Dans ces situations, certains savoirs sont incorporés et d’autres pas. Mais il faut distinguer le monde de la connaissance de celui de l’action. En effet, on observe une utilisation plurielle de différentes thérapies (recours au guérisseur, au marabout, au devin, ou processus de conversions religieuses vers différents mouvements modernes d’inspirations diverses, etc.). Là aussi, il y a un clivage, mais dans un cas il est d’ordre pragmatique (recherche de la guérison par toute tentative exploratoire), alors que les hommes de sciences et les politiciens de la santé vont se référer à une médecine de la preuve scientifique (le vrai vs le faux). Dans ce contexte, les pratiques de maternage et les soins aux jeunes enfants sont appréhendés par le personnel de santé comme étant irrationnels, et induisant de fait des comportements fatalistes, susceptibles d’engendrer de la négligence envers les enfants.Le modèle de prévention contractuel, mis en place par les politiques de coopération internationales dans des États qui n’ont pas les moyens de prendre en charge l’éducation et la santé des enfants, laisse, in fine, à l’ordre familial et lignager la maîtrise du destin corporel et de la vie privée des femmes et des enfants. En fait, ce modèle, qui ne repose pas sur un véritable dialogue où seraient prises en compte les opinions subjectives des individus, s’avère indissociable d’un processus d’individuation des individus, et en particulier des femmes (autonomie matérielle, accès à la planification familiale, décisions en matière de soins non assujetties à la volonté du conjoint ou du chef de famille, etc.). Les femmes peuvent y voir, alors, la possibilité d’une émancipation par rapport au conjoint ou à la belle-famille. Ainsi, il nous a été donné d’observer des jeunes femmes qui puisaient dans les recommandations d’une structure de Protection Maternelle Infantile (pmi) l’opportunité de s’affranchir de la tutelle d’une belle-mère à travers l’apprentissage de nouveaux soins de puériculture. Dans ce cas, la famille (représentée ici par la belle-mère) et le médecin sont dans des rapports de rivalité. | Permalink : | https://bibliotheque.helb-prigogine.be/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id= |
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